Writing (In Progress)

Arthur Darquandier, le héros du roman, est un cogniticien amené à traquer un groupe de serial killers inconnu des forces de police. Il est assisté de la « neuromatrice », un ordinateur expérimental à l'intelligence artificielle redoutable, qu'il a contribué à développer. Capable de pirater n'importe quel réseau informatique et de simuler le profil psychologique d'individus à partir de faits épars, la « neuromatrice » lui est d'une aide incommensurable.

Avec son deuxième roman, Dantec signe probablement l'un de ses livres les plus ambitieux et les plus ''intéressants'': un livre hybride entre le polar noir et l'anticipation. 

Polar d'abord parce qu'il reprend tous les éléments d'une enquête menée par un jeune ingénieur un peu borderline sur des meurtres atroces (même pour les standards de Dantec). A ce titre, et rien que pour cette partie-là, l'auteur s'impose encore une fois comme un surdoué du récit et la tension à 5000 volts. Rien que par son introduction, en deux phrases, il nous plonge en caméra embarquée dans la tête d'un tueur en série fou, dans sa dernière ligne droite. Un trip hallucinant et un parcours sanglant qui nous est décrit du point de vue (et dans la logique) du tueur lui même (largement inspiré de Richard Chase, le vampire de Sacramento) et qui nous accroche à fond, au moins durant les 200 premières pages, intenses, hallucinées et explosives. 

Puis, au détour d'une ligne, on glisse subrepticement dans la science fiction, presque sans s'en rendre compte. Par quelques touches discrètes, loin de l'armada high tech qu'il déroulera dans ses prochaines publications, il nous place dans un quotidien familier avec juste ce qu'il faut de décalage pour bousculer un tantinet son lecteur. Là ou il assume par contre ce registre, c'est dans la description de cette ''neuromatrice'', l'intelligence artificielle aux capacités inimaginables qui sert d'outil et d'analyse des différentes variables de cette enquête compliquée.  En 1995, Dantec fait ainsi preuve d'un flair certain concernant l'importance et la place des A.I dans un futur proche, un don qui relève presque de la prescience. Il parle de l'avènement des réseau sociaux, de la réalité alternée, de la connexion neuronale avec le monde virtuel (qui a dit Matrix?) et j'en passe. Bref, la marque des grands génies de la SF.

Mais ''Les racines du mal'' n'est pas que ça. Il ne se contente pas seulement d'être ce bijou hybride racontant une enquête tortueuse et sombre avec tous les ingrédients du thriller pur et dur. Non, nous sommes bien chez Dantec, et ce n'est pas exactement ce qui l'intéresse. 

Poussant le bouchon encore plus loin que dans son précédent ouvrage (Sirène Rouge), les racines du mal se présente avant tout comme une réflexion presque définitive sur la nature humaine, et sur le mal absolu qu'elle peut engendrer. Comme toujours chez Dantec, il mêle théories de l'évolution, philosophies nietzschéennes, préceptes religieux, témoignages historiques pour pondre ses réflexions sur le sujet. Le tout est lourdement documenté, décortiqué, analysé avec un soin quasi obsessionnel, et si le dosage n'est pas toujours très réussi (certains passages sont vraiment harassants) il n'en demeure pas moins diablement fascinant. Les réflexions prennent si souvent le dessus et s'étalent tellement que livre lorgne volontiers vers l'essai pur et simple.  Une constante dorénavant pour Dantec. 

En définitive, ''Les Racines du Mal'' est un fabuleux pavé qui peut au choix, soit attirer soit rebuter les amateurs, souvent pour les même raisons. Il reste cependant un preuve indéniable du génie tourmenté de son auteur, alors à quelques années de l'explosion vers les sommets avec son ''Babylon Babies''. Fascinant, dans tous les sens du terme. 

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